Surfaces et couleurs, 1935-1996

DU SAMEDI 14 JANVIER AU SAMEDI 18 MARS 2017

« Je sens par la couleur, c’est donc par elle que ma toile sera toujours organisée. Encore convient-il cependant que les sensations soient condensées et que les moyens utilisés soient portés à leur maximum d’expression. Pour aboutir à une traduction directe et pure de l’émotion, il faut posséder intimement tous les moyens, avoir éprouvé leur réelle efficacité. Les jeunes artistes n’ont pas à craindre de faire de faux pas. »

Henri Matisse in Ecrits et propos sur l’art.

A la suite du Fauvisme, au début du siècle dernier, la peinture occidentale prend un nouveau tournant. Pour Derain, Vlaminck, Marquet ou Camoin, il ne s’agit plus de traduire les intermittences de la lumière comme l’avaient fait les impressionnistes, mais d’affirmer avec force le regard du peintre sur un monde auquel il prête ses couleurs. En donnant aux« chocs » émotifs, selon le mot de Matisse, une palette hardie et pure, le Fauvisme confie à la couleur les accents d’une sensation ou d’une émotion. Ce parti pris formel aura une brillante postérité (chez Miro, par exemple) dont la présente exposition, à la Galerie Frémeaux, témoigne aujourd’hui.

Le travail de la surface colorée a été abordé de diverses manières par les « héritiers » des Fauves. Chez un Henri Guédon, une Niki de Saint-Phalle ou un Guillaume Corneille, il est envisagé à travers des procédés d’intensification, de saturation, et par l’invention de contrastes des tons. Pour Sam Francis, à l’instar de Pollock, l’œuvre est avant tout conçu comme le prolongement d’un geste, l’expression colorée des « volontés » du corps de l’artiste sur un support. Ailleurs, dans l’œuvre de Bram Van Velde, de Zao Wou Ki et de Jenkins, le champs coloré est abordé sous l’angle de la lumière et de l’obscurité, du vide et de la matière. Il est l’expression des forces vives et des tourments qui animent la vie intérieure du créateur. Une vie intérieure à laquelle, a contrario, un artiste comme Andy Warhol s’intéresse bien peu. L’usage de la couleur n’a pour lui qu’une simple valeur plastique et vaut uniquement pour l’émoi perceptif qu’il produit chez le regardeur.

Ainsi donc l’usage de la couleur a eu diverses fonctions pour de nombreux artistes au XXe siècle : émotive, perceptive, expressive, descriptive... mais il est un effort qui leur est commun à tous, celui de renouveler profondément notre perception du monde.

Christophe Lointier & Patrick Frémeaux